Développement et croissance des organismes (in silico)
Dans tout mécanisme de croissance, la forme est importante que ce soit ce que l'on observe à un niveau micro comme les cellules ou un niveau plus macro comme l'organe ou la plante, l'animal .... Se limiter à l'espace serait néanmoins trop réductionniste, il faut également intégrer le temps. Une autre façon de dire cela est d'utiliser la notion de système dynamique. Ces derniers sont décrits par des variables qui sont liées par des relations qui dépendent de règles biologiques, chimiques, physiques ... Ces variables ont des valeurs qui évoluent dans le temps et décrivent l'état du système. L'ensemble des états du système détermine la trajectoire de ce dernier.
Nous avons dans le chapitre qu'est ce que la vie considéré que les systèmes vivants étaient des systèmes autopoïétiques dissipatifs, ce sont des systèmes ouverts qui interagissent avec leur environnement. La trajectoire de tels systèmes est donc à la fois le résultat des interactions internes au système et des interactions avec l'extérieur qui constitue l'environnement. Les processus d'auto-organisation sont à l'oeuvre résultats des interactions et impactent la structure spatiale qui varie au cours du temps et constituent une boucle circulaire (pro-action, rétro-action) avec l'environnement.
Il est temps maintenant d'aborder les modèles possibles. Il ne s'agit pas ici, d'être exhaustif mais simplement présenter quelques directions.
Automates cellulaires
La première direction nous l'avons déjà empruntée. Ainsi on trouve différent travaux en particulier en biologie dont les modèles s'appuient sur des automates cellulaires, on peut citer par exemple la simulation de croissance de cellules cancéreuses. Netlogo en propose un par exemple dans sa bibliothèque de modèle que l'on pourra consulter.
Les automates cellulaires se montrent souvent "trop simple" pour ce type de modèle, et de nombreux modèles utilisent des systèmes multi-agents et nous vous revoyons à la littérature si vous êtes intéréssés.
Réaction diffusion
Les automates cellulaires sont également utilisés dans le cadre des processus de réaction diffusion. Cette classe de processus est très souvent présente dans les phénomènes physiques et le vivant. La réaction diffusion est parfois impliquée dans des processus plus complexe, mais elle constitue une "brique de base". Nous allons développer ce point en nous appuyant sur les automates cellulaires, c'est l'une des façons de faire mais pas l'unique.
Dans le cadre de la biologie, l’embryogenèse tient une grande place. Ainsi comment les cellules d'un embryon s'organisent ?
Il y a indéniablement des mécanismes à l'oeuvre travaillant ensembles qui conduisent au développement d'un animal ou d'un végétal. Turing s'était déjà penché sur cette question et le modèle qu'il a proposé repose sur un modèle de réaction-diffusion.
Morphogenèse
On peut définir la morphogenèse de la façon suivante :
Processus de développement des structures d'un organisme au cours de son embryogenèse ou de sa phylogenèse.
Dans l'article "The chemical basis of morphogenesis"1 Turing propose un modèle très simple basé sur un couplage entre des réactions chimiques et la diffusion moléculaire des réactifs, dans un système ouvert alimenté en continu. Son explication s'appuie sur deux composés chimiques
- l’espèce A est auto-activatrice ;
- l’espèce A active aussi la production de la seconde espèce I ;
- l’espèce I inhibe la production de A ;
- I diffuse plus vite que A.
Considérons maintenant une fluctuation locale en excès de l'activateur
Un peu de math pour se faire peur ! On écrit un système d'équations aux dérivées partielles. Considérons donc un système de réaction-diffusion avec deux composés chimiques
La première équation nous dit que la variation de concentration en fonction du temps de
Exercice - modèle de Gray Scott
Ce modèle revisite celui proposé par Turing et on considère que deux composants chimiques virtuels réagissent et diffusent sur une grille. Par commodité nous allons appeler le premier composant
Cette réaction consomme donc à chaque fois un
Considérant ce processus, on peut écrire :
Il nous faut discrétiser les équations :
\left\{
\begin{array}{rcl}
A_{i+1} &=& A_i + (D_A \nabla^2 A_i - A_iB_i^2 + f \times (1 - A_i))\Delta t\\
B_{i+1} &=& B_i + (D_B \nabla^2 B_i + A_iB_i^2 - (k + f) B_i) \Delta t
\end{array}
\right.
On pourra prendre un pas de temsp \Delta t = 1
. Si l'on considère un voisinage de Moore, ce qui semble une bonne idée, le Laplacien peut être défini par la matrice de convolution 3 x 3 suivante :
0.05 | 0.2 | 0.05 |
0.2 | -1 | 0.2 |
0.05 | 0.2 | 0.05 |
Pour calculer la nouvelle concentration, la concentration actuelle et chaque concentration environnante sont multipliées par la valeur correspondante dans la matrice et les valeurs sont additionnées.
Vous pouvez tester avec les valeurs suivantes : D_A=1.0, D_B=.5, f=.055, k=.062
et \Delta t=1.0
, il peut être intéressant de faire varier ces paramètres, en particulier f
et k
. Une initialisation possible est la totalité de la grille avec A = 1, B=0
sauf une petite zone ensemencée avec B=1
.
Il est ensuite intéressant de faire varier les différents paramètres et regarder les trajectoires obtenues. On peut également introduire des perturbations, par exemple sur la diffusion.
Système de réécriture
L-system
Biomorph
-
Turing A. (1952) The Chemical Basis of Morphogenesis. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 237(641), 37‑72. DOI